Le travail d’Edith Laplane me fait penser à celui de Louise Bourgeois, mais aussi à certains dessins de Schiele ou encore aux installations vidéos de Pipilotti Rist qui argumente sa réflexion ainsi : « je suis persuadée que la manière dont chaque être humain vit son identité sexuelle détermine l'évolution de la subjectivité de l'individu et constitue la base de son comportement social et politique. » 

Dans son travail Edith Laplane aborde la question de l'identité féminine la plus intime, la plus secrète. Elle met en scène une toute petite partie du corps féminin, l’orne, la compose, la recompose ou la décompose, l’expose sans aucun tabou. Elle questionne aussi les attributions sociales traditionnelles et religieuses de cette infime partie du corps féminin.

La « navette », petit biscuit marseillais, dont les légendes liées à ses origines sont quelque peu floues, est l’objet central de l’œuvre. La navette symboliserait la statue de la vierge qui serait venue s’échouer sur les bords du Lacydon au 13ème siècle ou bien la barque qui serait venue amener les Saintes Maries en Provence ; leur forme serait aussi le symbole de la fécondité.  Le travail de l’artiste s’articule donc autour de ce biscuit en forme de barque ou de vulve, autour de ce sexe féminin craint ou vénéré, entre érotisme et frustration, lieu de procréation pour certains, mais lieu de perdition pour d’autres… La série proposée montre les « navettes » dans le tourment de leur histoire familiale et sociale, dans l’union ou le deuil.

 

Les matériaux associés au biscuit proviennent de l’univers attribué à la femme : dentelles, tambour et fil à broder, aiguilles à tricoter et laine, saucière, globe de mariée… et tous trouvent leur place dans l’entrecuisse féminin comme les aiguilles à tricoter ou les aiguilles à broder, de prime abord associées à la confection, mais qui peuvent aussi devenir instruments de destruction, d’obturation.

 

Chacun de ces matériaux est un inducteur, un catalyseur de sentiments et d’émotions ; il provoque un choc, encourage l’interrogation. Le détournement des matériaux fait sourire, mais nous fait plus souvent retenir notre respiration et nous rappelle douloureusement que si le phallus se dresse partout victorieusement, la navette, elle, continue à se cacher pour souffrir en silence.

 

Mais Edith Laplane nous rappelle aussi, avec malice et plaisir, que la navette est aussi un biscuit qui se croque…

 

 

Marie-Laure LIONS

 

 

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© Edith Laplane Caillol