Elisabeth Chambon 

Les Navettes ... la langue du désir

 

 

Edith Laplane vit à Marseille que borde la méditerranée. Que veut dire méditerranée ? « Qui est au milieu de terres » Une antiquité mémorielle dans la lutte contre les offenses et les calamités du sud profond, ses heures bleues. C'est un cœur de lumière oublié du temps, une générosité qu'elle dépense avec liberté. Méditerranée, Là où ça commence ... là où on ne cesse de retrouver quelque chose de la magie opératoire des mythes eux-mêmes ceux qui président aux routes de la mer. Une terre hantée des rêves et des désirs les plus ardents, où hier et demain se côtoient. Ce quelque part se hisse à hauteur du soleil, un mystère de traditions qui nous hante et nous stupéfie.

Il me semble que le travail d'Edith Laplane puise dans ce champ pulsionnel, dans cette archive ; et de cette proximité féconde, apparaît une des plus étonnante partie de son travail, le  lieu même de sa résonance : Les Navettes. Une série qu'elle initie en 2009-2010 comme une sorte de chronique, très proche de l'essence même de son parcours personnel et professionnel, tout attaché à la défense d'une spécialité (la gynécologie médicale ) qu'elle revendique et de sa démarche artistique débutée en 2006. Le moteur de son art réside dans cette rage réparatrice à l'image de ses fameuses navettes (dont il sera question dans mon propos.) Lucide, elle s'autorise à re-fonder l'espace poignant du corps féminin, d'y transposer l'origine, les limites et les seuils. 

 

La rencontre a lieu dans l'atelier-maison à Marseille. Ses navettes me mettent en situation d'écriture. Il y a quelque chose de joyeusement là, l'événement de ce rendez-vous et ses attendus. Je suis intriguée. Il ne s'agit pas de faire fleurir les questions, pas seulement, mais d'observer, d'ouvrir sa pensée.

 

Chercher comment répondre à l'oeuvre. Comment elle éprouve l'art, ce qu'elle fait avec, ce qu'il exige d'elle. Puis très vite, la parole d'Edith Laplane favorise une familiarité avec son lieu, les objets, les images, les collages-montages qui bientôt se révèleront une unité, une arme défensive. Quand le travail et non l'ego prend la parole, cela devient une langue allègre. 

 

Écrire, hypothèse de travail, toujours sur le qui-vive ! Écrire sur cette « inextricable contradiction » de l'art disait Georges Bataille qui rend toute chose « suraiguë. » Le réel est toujours imprévisible. Alors depuis ma place d'historienne de l'art (et parfois de critique), je souhaite esquisser une réflexion qui mobilise ltous les sens. La pensée est « cette singulière voix perdue qui relie entre eux (…) les traces, les vestiges, les impression, les souvenirs …) dit Pascal Quignard. Pensée passionnante dans la surprise de ce que l'on va découvrir. Edith Laplane me donne « un fil pour guide », réenrouler, renouer, mettre la main sur la « barque » ; s'en approcher suffit. Elle le sait, elle qui s'emploie à incarner de façon offensive l'affaire des femmes et leur impossibilité de dire. Ce dire, elle l'exige intrépide et conquérant. Elle n'a jamais déposé les armes, son parcours de vie en témoigne ; ses souvenirs, ses émotions fondent une expression artistique impertinente et rageuse. Elle n'y va pas avec des pincettes. « Oser être arrogante et ambitieuse » oui chère Louise Bourgeois ! Il faudra s'y faire! C'est hors de tout système, sans révérence envers une quelconque théorie formelle, qu'elle affronte ce qui sera le fil tendu d'une œuvre singulière et symbolique, une parole « saxifrage » capable de briser des murs.

 

Au commencement était le corps ! Impossible corps qui désire ce qu'il peut ou plutôt ne peut pas... Mais c'est déjà trop dire. Il suffit d'embrayer. Edith Laplane installe sur la scène de l'art, le sujet jugé coupable : le corps des femmes dont elle a également la charge médicale, un savoir de l'intimité féminine, elle est gynécologue. L'ensemble de son travail confirme qu' il est impensable de la dissocier de son métier et de son oeuvre artistique. Dans cette intention de mettre en cause le jeu du paraître et de la conformité sociale, Edith Laplane aborde l'histoire des femmes qui depuis des lustres n'affiche qu'approximation, fantasme et désinformation. Elle affiche une volonté farouche de leur prêter ses gestes, ses postures. Elle y cherche une raison de créer, pas seulement réparatrice. « Le travail d'une femme n'est jamais achevé » est le titre d'une œuvre de l'artiste britannique Eliza Bennet crée en 2012. C'est aussi le sien : travailler à son ouvrage, se familiariser avec lui et donc avec soi-même. Chaque femme porte en elle une force naturelle, instinctive, riche de dons créateurs et d'un savoir ancestral. Mais la société et la culture les ont trop souvent muselé, figé dans le monde réducteur des rôles qui leur étaient assignés. Leur voix étant souvent condamnée à être fatale, empêchée ou retenue. Même Aristote évoquait « juste du bruit maléfique » au sujet des voix féminines. La démarche d'Edith Laplane est une écoute mais surtout « Ira » (colère ) celle qui piétine les hiérarchies arrogantes. Elle entend la souffrance des femmes victimes, murmurantes, criantes, parlantes caractérisées depuis des siècles, par la soumission et la défaite ; silencieuses et convenables au regard de la suprématie du masculin. 

Stéréotypes, contre-vérité, langue de bois sont les redoutables écueils qui empêchent les femmes de penser, de créer. Elles n'entrent pas dans le champ des mots mais Edith Laplane est prompte à croiser le fer avec les censeurs de tout bord. La colère aussi peut être une extase. Avec une façon incontestable de mettre en miettes le contrôle des affects, elle nous laisse assumer (à risquer l'opprobre) et à plus forte raison l'incompréhension, la vue du sexe, bien mieux de la vulve, enfin « désignable » pour en construire une figure suprême. Elle ne cache pas son propos, au contraire, c'est l'occasion d'une proclamation. Elle s'est donnée mission d'en faire un sujet euphorique . Et oui ! On s'en mêle ou on ne s'en mêle pas , du  vrai mystère dont il est question, là juste devant nous. On franchit la paroi, volupté sanguine ! Jusque là accès/interdiction à l'impossible objet sexuel, un objet ni pour apaiser ou divertir sous peine de tomber dans le « gouffre » dionysiaque. C'est le détail touché du doigt, attendu et inattendu qui désarme et donne prise à l'instant. Elle clame enfin la chair de près, l'intersection tactile et renvoie sans ménagement les mots couverts, les non-dits de la pruderie. Vulve ! Le mot est banni, voilà de quoi troubler ! Personne n'en parle, pas ouvertement … depuis tout ce temps, on aurait pu la dire cette vérité, mais non pas de vrais mots qui accompagnent l'obscur objet de la jouissance. Et pourtant, le sexe, le sang, la mort irriguent et innervent l'histoire de l'art substanciellement.

 

Plus rien n'encombre alors la révélation de la mandorle. 

 

Dans son atelier, Edith fabrique des «navettes ». ll n'est sans doute pour elle, nulle tâche plus urgente d'en faire un sujet d'élection. Origine d'un gâteau de miel cher aux grecs, elle renouvelle l'histoire de ce petit biscuit atypique, dessert à savourer, pétri de sentiments et de symboles. Il est la métaphore d'une barque-vulve dépositaire d'un trésor absolu. Toute l'histoire de l'art, depuis les images magdaléniennes, archétypales, hallucinantes les revendique comme un signe majeur. Avec ses navettes irrévérencieuses, elle s'autorise l'irruption du visible alors qu'il ne peut être vu. Il se peut que la parole rougisse.  « Montre-moi ! Montre-moi plus ! » ce qui pétrifie les hommes et fait rire les femmes, la rencontre «  fascinée » avec la vulve, « pudenda membra » , dont il faut avoir honte (depuis si longtemps.) Vulva comme une abomination, mais qui fera rire l'inconsolable déesse Déméter quand sa servante Baubô soulève sa jupe, pour exhiber sa propre vulve. On peut se demander en effet s'il y a un lieu où cet impossible de l'art ait sa place ? Je ne peux m'empêcher de penser à certains graffitis inscrits, des murs de 1968 sur « les jeunes femmes rouges » jouissantes, débâillonnées, entre amour et révolution.

 

Edith Laplane jette au passage un coup de pied à tous les masques et mensonges. Or des codes dominants, des valeurs acquises, elle accentuerait même son côté « mauvais genre », rebelle, elle l'est assurément. Elle « canonise » la vulve en une posture qu' elle campe avec insolence. C'est un morceau de choix, rien de plus rien rien de moins qu'une navette qui par son mystère historique et marial est l'embarcation des Saintes Maries échouée sur les côtes de la Provence. Une Provence qui s'illustre par des traditions, des forces d'Antan, des processions, des rituels, des coutumes, la trame poétique des fêtes sacrées et profanes. De cette trame (la navette est aussi liée au tissage) de cette mémoire réactivée, Edith Laplane fait monter les structures narratives tronquées, mutilées des femmes connues-inconnues. Elle veut en découdre (au sens propre comme au figuré) et produit un corpus d'oeuvres résolument dissident. En choisissant la navette, elle explore avec crudité et parfois ironie la représentation crue de l'intime. Elle appelle à rompre la logique identitaire des femmes à qui on impose une vie limitée, organisée, scandée de cérémonies et d'événements (virginité, mariage, naissance) qui fonde le statut officiel de leur fécondité, sans oublier douleur et péché de la détermination judéo-chrétienne et ce sans faire vaciller le mâle de son séculaire piédestal. Mais les femmes passent, filent, jouissent, supravivantes et clandestines, élaborent un nouvel alphabet plus fulgurant et provocateur.

 

Il n'est pas étonnant que depuis longtemps, par les gestes minutieux de l'art, la tisseuse, la brodeuse, la dentellière, et même la ménagère ( je pense à l'oeuvre « Housewiwe's Kitchen Apron » de l'artiste Birgit Jürgessen) ne cesse de brouiller l'ordre de l'espace clos du féminin, de le désorienter. La prédilection assumée pour « la couture » de certaines artistes du XXème et XXIème siècle, prennent le contrepied de l'action, parodie du fil qui raccommode, soigne et relie. Des travaux du quotidien (j'utilise ce terme à dessein) portent la mémoire ou l'injure faite au corps des femmes corseté par les tabous, la morale, la peur et les trahisons. Une vie du « bel ordinaire »* voué au silence, à la mise en sourdine des femmes à l'oeuvre. Deux navettes dans la production d'Edith, marquent avec évidence cette histoire, ces tricoteuses d' «Avant Simone» (nul besoin d'en dire plus) une œuvre très explicite constituée de fil rouge, d'aiguille à tricoter, de résine et de plume noire ainsi que le terrifiant « Ouvrage de Dame » formé d'un cadre de broderie, tissu, fil et photo rappelle la mutilation des exciseuses, ces ouvrières de la féminité saccagée qui ne tolèrent pas la jouissance de la «vulva.» Ces navettes sont habitées de cette crauté, violence latente comme un cri désespéré.

 

Avant de revenir sur les navettes, la révélation de l'argile malléable et du modelage dans le parcours d'Edith Laplane m'évoque le geste immémorial d'une figure au delà du figuré, le plaisir de la terre qu'on sculpte pour s'affranchir des interdits là où des fragments de vie s'interpellent en une possible fiction vitale. Un « survival art » que prônait l'artiste cubaine Carmen Lydia Djuric (plus connue sous le nom de Hessie) qui se posait la question « Qu'est-ce qu'on peut faire avec ses dix doigts ? » une interrogation pour résister à la perte, à la dissolution, à l'invisibilité et au statut subalterne. Les gestes élémentaires du foyer exaltés par une sainte patronne des ménagères Ste Praxedis (Praxedes en latin) vierge romaine peinte par Simone Pagnoni (1611-1698) montrée à demi décolletée, bouche entrouverte, pressant l'éponge avec laquelle elle essuyait le sang des martyres qui coulait dans un vase. Cette référence aux tâches domestiques vient en écho à l'exposition « Au sens propre » ce « grand ménage de printemps » organisé en 2019 à Marseille au Pangolin qu'elle co-dirige avec Michaël Serfaty, à laquelle elle participe. Humilité, vulnérabilité s'affirme au delà de la vie intime, en acte de résistance dont les navettes sont le processus systématique, comme l'extension du domaine de la lutte.

 

Les éléments qui les composent témoignent de l'irréductible subjectivité propre à toute création, une œuvre atypique, sans bavardage, qui n'illustre pas mais engendre d'hybrides propositions plastiques. Pour Edith Laplane, la tâche est infinie, illimitée, toujours recommençante. Une seule navette n'aurait aucun sens, elle ne se valide que par le chiffre, en série dans le principe même du catalogue. Alors elle collecte, rassemble, classe, accumule telle une collectionneuse, sans oublier d'étonnants dessins et croquis essentiellement médicaux issus de ses consultations. Elle affectionne les Ex Votos (ceux de Notre Dame de la Garde) les amulettes en fer blanc et les cosses (ramenés d'un voyage à Buenos-Aires) et plus particulièrement le tissu, le velours et la dentelle, la porcelaine, le papier mâché, le bois, le métal, les coquillages, les fleurs séchées, la fourrure, les insectes, matériaux insolites où les mots s'annulent mais où s'incarnent les œuvres-navettes d'une incroyable vitalité. 

 

Les voilà ces navettes aux titres évocateurs, elles sont gourmandes, exultantes, temporelles.: Navette Dentata, carnivore qui exerce ses dents pour dépecer le masculin ;  la troublante Navette de Mariée sous cloche, telle une relique venue du Jadis, My little fanny in the stormy ocean of motherhood ; héroïque navette en quête de liens insensés, Mille tre tel un trophée de chasse cher à Don Giovanni, et même la subversive Marcela Delcampo, malicieuse « célibataire » en quête du « Grand Verre. » ou d'une fontaine ! Ces navettes pourraient bien nous menacer, nous piéger. Elles vous traquent, chasseresses, renardes affamées, dentues. Une femme-péché avec sa « gula » (gourmandise) ses odeurs fauves et musquées, une coquille, une araignée ou une constellation selon les fantasmes. Elles sont surtout plus qu'un ornement, je pense notamment à « Navetta Matriochka » navette des savoirs ancestraux et de l'origine, de l'âme des mères, de l'image qui manque du fond de la nuit. Cette navette ne dissimule rien du silence de l'enfance, de l'éducation, du maternel. 

 

Par les navettes, Edith Laplane réinvente une mythologie individuelle, la traduction d'une expérience personnelle dont j'ai parlé plus haut où l'obscur si longtemps recelé, reprend ses droits. Sans litanie, ni complainte, les navettes viennent de la prise de parole des femmes de l'art, c'est un langage en mouvement, ajusté, risqué et coupant. Exclues du discours (une question si persistante encore aujourd'hui) le féminin est un inconnu réduit ou négatif, sauf à revêtir l'habit de madone, de déesse, de sainte, ou pécheresse, sauf à être à jamais « une créature » comme les sorcières, les jeteuses de sort, et autres jaseuses infernales que l'art ne peut pas voir en peinture. A la manière de l'artiste américaine Nancy Spero dont l'oeuvre est fondée sur la rage et le cri, en guerre contre la virilité, tire une langue phallique et la fourre dans la bouche de ses personnages. Le corps est le lieu de l'innomable. Quelque chose bat quand le reste se tait. Ce sont les oeuvres des femmes ancrées dans le réel, les soubresauts, les fractures et les révolutions. 

 

Ces irrésistibles navettes s'imposent comme pensée du premier monde. Elles brillent au-dessus des flots et du soleil de Marseille. Tout est mêlé : innocence et carnage, mémoire et présent, dérision et déraison. Homme et femmes se tiennent sur deux rives différemment périlleuses qui brûlent les lèvres et aiguisent les crocs avec l'envie d'avertir de ce qui embrase les corps. Pour Edith Laplane, les soins ne remplacent pas l'étreinte. Pour toute colère qui se lève, pour tout mot d'amour qu' on adresse, il y a l'appel de la mère, l'appel de la nature dans la mer plus ancienne que la vie.

 

Elisabeth Chambon

Conservateur en chef du patrimoine

 

*Joëlle Deniot, Ethnologie du décor en milieu ouvrier- le bel ordinaire.

Ed. L'Harmattan, 2000


 


The “Navette”…  or desire’s tongue

 

 

Edith Laplane lives in Marseille, on the Mediterranean shore. What does Mediterranean mean? “That which is amidst lands”. Of an antiquity from time immemorial in the fight against the offences and calamities of the southern depths, its blue hours. It is a heart of light forgotten by time, a generosity spent with freedom. The Mediterranean, The Starting Point ... where one never ceases to find something of the operative magic of those myths that preside over the paths of the sea. A land haunted by the most ardent dreams and desires, where yesterday and tomorrow mingle. The somewhere hoisted to the height of the sun, a mystery of traditions that haunt and astonish us.
 

It seems to me that Laplane’s work draws on this instinctual domain, on this archive; and from this fertile proximity, one of the most surprising parts of her work, the very locus of its resonance, appears: Les Navettes*. A series that she initiated in 2009-2010 as a sort of chronicle, particularly close to the very essence of her personal and professional trajectory, attached to the defence of a speciality (medical gynaecology) that she champions, and of her artistic approach begun in 2006. The driving force behind her art lies in the healing rage depicted with her famous navettes (which I shall return to). Lucid, she authorises herself to re-found the poignant space of the female body, to transpose upon it its origin, limits, thresholds. 

 

The meeting takes place in the studio-home in Marseille. Her Navettes put me in a writing disposition. There is something joyfully present there, the event of this meeting and its expectations. I am intrigued. It isn’t a question of flourishing questions, not only, but of observing, of opening one’s thoughts. To seek how to respond to the work. To see how it tackles art, what it does with it, what it demands of it. Then Laplane’s words swiftly encourage a familiarity with her space, the objects, the images, the collage-montages, which will soon reveal themselves a unit, a defensive weapon. When work and not the ego takes the floor, language becomes light-hearted. 

 

Writing, working hypothesis, always on the alert! Writing about this “inextricable contradiction” of art, as Georges Bataille used to say, which makes everything “high-pitched”. “Reality is always unpredictable. So from my position as art historian (and sometimes as critic), I would like to sketch out a reflection that mobilises all the senses. Thought is “that singular lost voice that links together (...) traces, vestiges, impressions, memories...” says Pascal Quignard: an enthralling thought in the surprise of what we are going to discover. Laplane gives me “a thread as guide”, to rewind, to reconnect, to put the hand on the “boat”; to approach it is enough. She knows it, she who strives to embody in an offensive way the business of women and their inability to tell. She demands that this be said intrepidly and defiantly. She has never laid down her arms, her life’s journey bears witness to this: her memories, her emotions are the basis of an impudent, raging artistic expression. She doesn’t go there with kid gloves. “Dare to be arrogant and ambitious”: yes, dear Louise Bourgeois! You'll have to get used to it! It is outside any system, without reverence for any formal theory, that she confronts what will be the taut thread of a singular and symbolic work, a “saxifrage” expression capable of breaking down walls.

 
In the beginning was the body! Impossible body that desires what it can or rather cannot... But that’s already saying too much. It’s enough to engage the clutch. Laplane installs on the art scene the subject judged guilty: women’s bodies for which she also has the medical responsibility, a knowledge of feminine intimacy, as she is a
gynaecologist. All her work confirms that it is inconceivable to dissociate her from her profession and her artistic work. With the intention of challenging the game of appearance and social conformity, Laplane approaches the history of women, which for ages has only displayed approximation, fantasy and disinformation. She shows a fierce will to lend them her gestures and postures. She is looking for a reason to create, not just to repair. A Woman’s Work is Never Done is the title of a work by British artist Eliza Bennet created in 2012. It also applies to hers: working on her work, getting to know it and therefore herself. Each woman carries within her a natural, instinctive force, rich in creative gifts and ancestral knowledge. But society and culture have all too often muzzled them, frozen in the simplistic world of the roles assigned to them. Their voice is often condemned to be fatal, prevented or held back. Even Aristotle evoked “just evil noise” about female voices. Laplane’s approach is one of listening, but above all “Ira” (anger), the one that tramples arrogant hierarchies. She hears the suffering of women victims, murmuring, shouting, speaking, characterised for centuries by submission and defeat; silent and appropriate in the face of the supremacy of the masculine. 

Stereotypes, untruths and doublespeak are the redoubtable pitfalls that prevent women from thinking and creating. They don’t enter the field of words, but Laplane is quick to cross swords with the censors on all sides. Anger can also be ecstasy. With an undeniable way of dismantling the control of feelings, she lets us take on (risking disapproval and moreover incomprehension) the view of sexual organs, of the vulva, which can at last be designated, to construct from it a supreme figure.

 

She doesn’t hide her point: on the contrary, she seizes the opportunity for a proclamation. She has given herself the mission to turn it into a euphoric subject. And yes! We either get involved or we don’t, in the real mystery which is at hand, right in front of us. We cross the wall, bloody voluptuousness! Hitherto access / prohibition to the impossible sexual object, an object neither to appease nor to entertain, otherwise we fall into the Dionysian “abyss”. It is the detail touched with the finger, expected and unexpected, that disarms and affords a grasp of the moment. Finally, it reclaims the flesh up close, the tactile intersection, and unceremoniously dispels the understatements, the unsaid things of prudery. Vulva! The word is banished, which is perturbing!  Nobody talks about it, not openly ... all this time, this truth could have been said, but no real words accompany the obscure object of pleasure. And yet sex, blood, death flow through and innervate the history of art substantially. 

 

Nothing more then hinders the revelation of the almond-shaped pudenda.

 

In her studio, Edith makes “navettes”. For her, there is probably no task more urgent than to make it a subject of choice. She renews the story of this atypical little biscuit, originally a honey cake dear to the Greeks, a dessert to be savoured, steeped in feelings and symbols. It is the metaphor of a vulva-boat holding an absolute treasure. The whole history of art, from the Magdalenian, archetypal, hallucinatory images, claims them as a major sign. With her irreverent navettes, she allows herself the eruption of the visible when it cannot be seen. It may be that speech blushes. “Show me! Show me more!” What petrifies men and makes women laugh, the “fascinated” encounter with the vulva, “pudenda membra”, of which one should be ashamed (for so long.) Vulva as an abomination, but which will make the inconsolable goddess Demeter laugh when her maid Baubô lifts her skirt, to show off her own vulva. One might indeed wonder if there is a place where this impossibility of art has its place? I can’t help but think of some of the graffiti inscribed on the walls of 1968 on “the young red women” climaxing, unbridled, between love and revolution. 

 

Laplane kicks in passing all the masks and lies. Outside of dominant codes, acquired values, she even accentuates her “bad sort” side – rebellious she certainly is. She “canonises” the vulva in a posture that she portrays with insolence. It is a choice piece, no more no less than a navette, which by its historical and Marian mystery is the boat of the Saint Marys beached on the coasts of Provence: a Provence distinguished by traditions, the forces of yesteryear, processions, rituals, customs, the poetic tapestry of sacred and profane festivals.

 

From this weft (the navette, which also means shuttle, is also linked to weaving) of this reactivated memory, Laplane takes the maimed, mutilated narrative structures of known-unknown women she wants to unravel and produces a resolutely dissident body of work. By choosing the navette, she explores with crudeness and sometimes irony the raw representation of the intimate. She calls for a break with the identity logic of women upon whom are imposed a limited, organised life, punctuated by ceremonies and events (virginity, marriage, birth), which founds the official status of their fertility, without forgetting the pain and sin of Judeo-Christian determination, and this without making the male waver from his secular pedestal. But the women pass, spin, supra-alive and clandestine, elaborating a new, more dazzling and provocative alphabet.


It isn’t surprising that for a long time now, through the meticulous gestures of art, the weaver, the embroiderer, the lace-maker, and even the housewife (I am thinking of the work Housewive’s Kitchen Apron by the artist Birgit Jürgessen) has constantly disrupted and disoriented the order of the enclosed space of the feminine. The unapologetic predilection for “sewing” by certain artists of the 20th and 21st century counterbalances the action, parodying the thread that mends, cares and connects. Everyday works (I use this term deliberately) bear the memory or the insult to women’s bodies, corseted by taboos, morals, fear and betrayal. A life of the “beautiful ordinary”** devoted to silence, to the muffling of women at work. Two navettes in Edith’s production clearly mark this story, the knitters of “Avant Simone” (no need to say more) a very explicit work made of red thread, knitting needle, resin and black feather, as well as the terrifying “Ouvrage de Dame” made of an embroidery frame, fabric, thread and photo recalls the mutilation of the excisers, those workers of devastated femininity who don’t tolerate the pleasure of the “vulva”. These navettes are inhabited by this fear, a latent violence like a desperate cry.

 

Before returning to the navettes, the revelation of malleable clay and modelling in Laplane’s trajectory evokes for me the immemorial gesture of a figure beyond the figurative, the pleasure of the clay that one sculpts to free oneself from the forbidden, where fragments of life challenge one another in a possible vital fiction. A “survival art” advocated by the Cuban artist Carmen Lydia Djuric (better known under the name of Hessie) who asked herself the question “What can one do with one’s ten fingers?” a question to resist loss, dissolution, invisibility and subordinate status. The elementary gestures of the home exalted by a patron saint of housewives, St. Praxedis (Praxedes in Latin), a Roman virgin painted by Simone Pagnoni (1611-1698), shown with breast partly bared, mouth half-open, pressing the sponge with which she wiped up the martyrs blood, which runs into a vase. This reference to domestic chores echoes the exhibition “inn the literal sense” this “big spring cleaning” organised in 2019 in Marseilles at the Pangolin Gallery, which Laplane co-directs with Michaël Serfaty. Humility, vulnerability assert themselves beyond private life, in an act of resistance, of which the navettes are the systematic process, like the extension of the domain of struggle.

  

The elements that make them up bear witness to the irreducible subjectivity that is inherent in all creation, an atypical work, without verbiage, which doesn’t illustrate but generates hybrid artistic propositions. For Laplane, the task is infinite, unlimited, always starting over. A single navette would make no sense, it is only validated by the number, in series in the very principle of the catalogue. So she collects, gathers, classifies, accumulates like a collector, without forgetting astonishing drawings and essentially medical sketches from her consultations. She is fond of Ex Votos (those of Notre Dame de la Garde), tin amulets and pods (brought back from a trip to Buenos Aires) and more, particularly fabric, velvet and lace, porcelain, papier-mâché, wood, metal, shells, dried flowers, fur, insects, unusual materials where words cancel each other out, but where navette works of incredible vitality take shape.

 

Here they are, these navettes with evocative titles, they are gourmand, exultant, temporal..: Navette Dentata, a carnivore with teeth to cut up the male; the unsettling Navette de Mariée under a glass bell, like a relic from bygone days; My Little Fanny in the Stormy Ocean of Motherhood; the heroic navette in search of senseless bonds; Mille Tre, like a hunting trophy dear to Don Giovanni; and even the subversive Marcela Delcampo, the mischievous “bachelor” in search of the “Big Glass” or a fountain! These navettes could well threaten us, trap us. They stalk you, hunters, hungry foxes, baring their teeth… A sinful woman with her “gula” (voracious appetite), her wild, musky odour, a shell, a spider or a constellation according to your fantasies. Above all, they are more than an ornament, I am thinking in particular of Navetta Matriochka, a navette of ancestral knowledge and of the origin, the soul of the mothers, of the image that is missing from the depths of the night. This navette conceals nothing of the silence of childhood, of education, of motherhood. 

 

Through the navettes Laplane reinvents an individual mythology, the translation of a personal experience that I referred to earlier, where the obscure, so long concealed, takes back its rights. Without litany or lament, the navettes come from the speaking-out of the women of art, it is a language in movement, adjusted, risky and incisive. Excluded from the discourse (a question so persistent even today) the feminine is a reduced or negative unknown, unless it wears the habit of a Madonna, goddess, saint, or sinner, unless it is forever “a creature” like witches, spell casters, and other infernal gossips that art cannot see in painting. In the manner of the American artist Nancy Spero, whose work is based on rage and shouting, at war with virility, she pulls out a phallic tongue and stuffs it in the mouths of her characters. The body is the place of the unspeakable. Something beats when the rest is silent. These are the works of women anchored in reality, its jolts, fractures and revolutions. 

 

These irresistible navettes impose themselves as first world thinking. They shine above the waves and the sun of Marseille. Everything is mixed: innocence and carnage, memory and present, derision and folly. Men and women stand on two differently perilous banks that burn their lips and sharpen their fangs with the desire to warn of what sets their bodies on fire. For Edith Laplane, treatment doesn’t replace hugging. For every anger that arises, for every word of love that is spoken, there is the call of the mother, the call of nature in the sea older than life.

 

 

Elisabeth Chambon

Chief Heritage Curator

 

 

*The navette is a typical biscuit baked in Marseilles and Provence. Shaped like a little boat (navette, means little boat), it also resembles external female genitalia. It commemorates the arrival in Provence by sea of the three Marys, Saints Mary Magdalene, Mary Salome and Mary of Clopas. 

 

**Joëlle Deniot, Ethnologie du décor en milieu ouvrier – le bel ordinaire. (Ethnology of decoration in a working-class environment – the beautiful ordinary).

Published by L’Harmattan, 2000

 

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© Edith Laplane Caillol